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HOMMAGE AU FONDATEUR DES FOYERS DE LA MARINE

Allocution du Vice-Amiral d'Escadre LEFEBVRE (*)
le 31 mai 1990 à Brest, à l'occasion du centenaire de la naissance de G.E. GRANDPERRIN.

 

Monsieur le Maire,
Mesdames,
Messieurs.


Oui, j’ai tenu à être personnellement présent à cette cérémonie pour des raisons que je vais expliquer et notamment et, je l'annonce tout de suite, parce que les Foyers sont une institution dans laquelle je crois et dans laquelle je crois de plus en plus.


J'ai d'abord la charge de retracer rapidement la vie exemplaire de Monsieur GRANDPERRÎN. Je vais le faire tout d'abord, et ensuite, j'essaierai de tracer devant vous une sorte de photographie de l'institution des Foyers d'aujourd'hui et de son avenir et, chemin faisant, j'essaierai, mais en est-il besoin, de vous faire partager mes convictions.
En ce genre de circonstances, presque en toutes circonstances, j'ai l'habitude d'improviser. Aujourd'hui c'est difficile tant la vie de Monsieur GRANDPERRIN est longue et exemplaire. Par conséquent, faisant une exception à mes habitudes, je vais lire un texte, mais un noble texte puisque c'est le récit de la vie de Monsieur GRANDPERRIN.


« Georges-Elisée GRANDPERRIN naquit le 18 mai 1890 à ORTHEZ. Sa carrière d'imprimeur aux côtés de son père, comme ses activités sociales, furent brusquement interrompues par la guerre. Grièvement blessé au Chemin des Dames, en septembre 1915, il s'engagea dans l'oeuvre des Foyers du soldat, devenue plus tard, l'Union Franco-Américaine où il servit tout près du front jusqu'à la fin de la guerre. C'est alors, en 1919, que la Marine Nationale demande à l'Union Franco-Américaine de lui détacher un de ses spécialistes pour animer le Foyer du marin qui venait de se créer à Toulon. Monsieur GRANDPERRIN fut désigné et commença aussitôt une carrière exceptionnelle.


Un armateur grec, Monsieur ZAHAROFF, me dit-on (et j'ouvre les guillemets) « scandalisé par la vue de tant de cols bleus déambulant dans les rues de Toulon sans autre possibilité d'accueil que les bistrots de la vieille ville » (je ferme les guillemets), avait offert à la Marine de construire une maison où puissent aller les marins y passer la nuit dans des conditions de confort convenable. La guerre retarda ce projet. Ouvert aux marins en 1926, le nouveau Foyer des équipages de Toulon connut immédiatement, grâce à la dynamique impulsion de son directeur, Monsieur GRANDPERRIN, un succès brillant et déterminant pour l'avenir.


Monsieur GRANOPERRIN dirigeait cet ensemble de main de maître - et les qualités que je vais citer sont celles que l'on observe chez nos directeurs de foyer d'aujourd'hui, qui voient toujours dans la personnalité de Monsieur GRANDPERRIN un modèle - son rayonnement, sa foi optimiste, son sens moral élevé, ses sentiments humains et son dévouement sans limites, le faisaient respecter de tous et lui attachaient naturellement ses subordonnés.


En 1945, le Capitaine de Vaisseau JAUREGUIBERRY, soutenu par Monsieur JACQUINOT, ministre de la Marine, tous deux vivement intéressés par l'expérience qui était tentée à Toulon par Monsieur GRANDPERRIN, décidèrent de créer un Service Central des Sports et Foyers dans l'ensemble des ports militaires et outre-mer et de recruter simultanément le personnel chargé de les animer.
Cette décision de la Marine précède de quinze ans la création des Maisons de Jeunes de la Culture ! Je le souligne avec plaisir, quand cela arrive de voir la Marine anticiper de quinze ans les événements !
Monsieur JACQUINOT confia dès lors a Monsieur GRANDPERRIN la section des Foyers, destinée a coordonner le fonctionnement et l'action de l'ensemble des Foyers. Il consacra le reste de sa carrière, soit plus de dix ans, à la tête du Service Central des Foyers.


Le plus grand souci de Monsieur GRANDPERRIN au ministère fut la création du corps des Assistants de Foyer, tâche délicate entre toutes car il estimait justement qu'un Foyer n'est pas seulement - et comme il avait raison - une organisation matérielle viable administrativement mais qu'il doit être avant tout, avant tout, un centre d'accueil, de détente, et de relations humaines confiantes et exemplaires. Pour lui, un directeur de foyer se devait naturellement d'être un gestionnaire averti mais également et surtout un maître de maison et un animateur.


Monsieur GRANDPERRIN a rendu également d'éminents services au développement des sports dans la Marine et autour d'elle. Assurant personnellement la direction du service des sports du Foyer de Toulon de 1919 a 1945, il reçut du Préfet Maritime, une large délégation pour l'exploitation des installations sportives du port. Devenu arbitre officiel de football, de rugby, de basket-bail, de water-polo, juge de boxe et d'athlétisme pour être comme il l'entendait, en toutes choses, à la hauteur de sa tache, il établît une parfaite entente avec les clubs civils.
Organisateur et animateur hors de pair, il ne voulut jamais entendre les appels des grandes entreprises sportives civiles qui lui offraient des avantages considérables pour l'attirer auprès d'elles - oui, Messieurs les directeurs de Foyer, vous accomplissez un véritable sacerdoce. Et je sais que nombre d'entre vous qui avez choisi cette carrière, l'ont acceptée, revendiquée, comme on entre en religion -.


Monsieur GRANDPERRIN est mort le 30 décembre 1971. Il a été inhumé à Nice où il repose près de sa fidèle compagne. »


Regardons maintenant où nous en sommes. Qu'est devenue l'oeuvre de Monsieur GRANDPERRIN ? Et je pense qu'il y a tout lieu d'être satisfait. Quelques chiffres ; il en faut toujours. Nous avons maintenant dans la Marine 63 Foyers :

- 18 à TouIon,
- 11 à Brest,
- 08 à Lorient,
- 04 à Rochefort,
- 08 à Cherbourg,
- 07 à Paris et,
- 07 outre-mer.


63 Foyers au total, quelle belle oeuvre ! Ils sont diversifiés en Foyers du marin en ville, Foyers d'arsenal, Foyers d'écoles, Foyers de base, Foyers club-sportif, Foyer club nautique et Foyers d'unité. Et là aussi notre qualité de l'oeuvre entreprise c'est cette capacité d'adaptation à tous les contextes, métropolitain, outre-mer, à toutes les activités, à toutes les attentes du personnel, voilà qui est bien !


Les personnels sont dirigés par du personnel assistant de foyer de tous grades : 16 officiers, 96 officiers-mariniers, 106 assistants de foyer auxiliaires, ayant tous le même insigne sur le côté droit de la poitrine : la flamme des foyers. Au passage je trouve que 16 officiers, 96 officiers-mariniers pour 63 foyers ce n'est pas assez. Comme il faudrait faire plus !


Interrogeons-nous enfin sur les Foyers de demain. Ils ont connu ces dernières années une modification importante dans leurs structures et dans les statuts de leur personnel.
Cependant la raison d'être des Foyers réside toujours et plus que jamais dans leur vocation sociale et culturelle. Parlons des structures. A partir de 1987, la Direction régionale des Foyers a cédée la place au Service local des Foyers, organisme totalement intégré a l'état-major des Préfets Maritimes. Je vous dirai dans un instant ce que j'en pense. Les Foyers annexes sont remplacés par les Foyers d'unité placés sous les ordres des commandants. Les Foyers communs : Foyers ville, d'arsenal, etc... ont des conseils d'administration indépendants. Ces structures tournées vers l'avenir, sont maintenant en place et permettent de suivre une politique de loisirs qui tienne compte, je le crois, des goûts du personnel.
Commentaire que je ferai, c'est que, quoique n'ayant pas été associé à la décision qui avait été prise à l'époque, je dois dire que j'avais une attitude assez réservée. J'aimais assez finalement que notre organisation des foyers, et je parle à titre personnel, j'aimais assez qu'elle conservât une sorte d'autonomie qui me paraissait en quelque sorte inséparable de la vocation de ceux qui servaient l'institution. Je craignais une sorte de militarisation, une sorte de perte d'indépendance conduisant peut-être a une sorte de perte de foi.


Je dois reconnaître qu'aujourd'hui, les craintes que j'exprimais, ne m'ont pas parues fondées à l'expérience. En tant que Préfet Maritime, j'apprécie par l'entremise de mes collaborateurs et, pour ce qui concerne Brest, par l'entremise de l'Amiral FERRI, j'apprécie d'avoir un contact direct avec les directeurs de Foyers, j'apprécie de pouvoir me faire rendre compte de leur fonctionnement, j'aime pouvoir y venir et j'aime pouvoir le cas échéant conseiller et... avec le tempérament qui est le mien, peut-être possessif, je me sens très bien en quelque sorte, responsable de l'institution pour ce qui concerne la deuxième région maritime, sous réserve que l'ardeur, l'indépendance, l'initiative, la foi, la flamme demeurent et je crois qu'elles demeurent.


La Marine, et il faut le dire, reste la seule armée à former du personnel spécialisé pour ses Foyers. Je suis heureux de le constater. La Marine se sent concernée par son personnel et le Préfet Maritime, peut-être plus qu'un autre. Et cela me fait plaisir de voir que la Marine, en dépit de ses difficultés, a le souci de former du personnel spécialisé pour ses Foyers. Le personnel civil de direction de Foyer mis en place par Monsieur GRANDPERRIN, cède la place au personnel militaire, formé depuis trente ans au contact du personnel civil de direction de foyer auquel il faut rendre hommage. Le dernier directeur civil quittera donc le service en juin 1991.
Le statut nouveau permet, à l'avenir, de confier des attributions militaires au personnel des Foyers. Et c'est une des vertus, sans doute de la nouvelle formule. Les attributions militaires étant la promotion sociale, le reclassement du personnel, et une plus grande participation dans le fonctionnement des Cercles et Foyers. Je crois que c'est en effet heureux. Une plus grande participation des officiers-mariniers aux activités des Foyers se dessine pour l'avenir.
Cette évolution appuiera l'action des directeurs pour faire du Foyer le pôle de l'animation, et on l'a vu aujourd'hui, dans la région et dans l'unité.


M'adressant en conclusion à la famille de Monsieur GRANDPERRIN, je peux l'assurer que l'ambition généreuse du créateur des Foyers de la Marine, sa foi dans son entreprise et son sens de l'humain continuent de nous inspirer. Je me dois aussi de témoigner la reconnaissance de la Marine à un homme qui, agissant en véritable précurseur, a su créer une institution efficace et ardente au service des équipages.


Je remercie aussi Monsieur le Maire d'ORTHEZ qui a bien voulu, au prix d'un long déplacement, s'associer à l'hommage que nous rendons aujourd'hui à l'un de ses illustres concitoyens.


(*) Préfet maritime de la deuxième région maritime et Commandant en chef pour l'Atlantique.